Lorsque le poète Emerson a dit : « Une mauvaise herbe est une plante dont les vertus n’ont pas encore été découvertes », il devait parler des pissenlits.
Il y a un symbolisme jaune et une science dans le comportement du pissenlit. Les jardiniers dévoués, truelles en main, sur le point de s’attaquer à la large étendue de crinières jaunes ondulant au vent, soutiendront que les vertus du pissenlit resteront à jamais inconnues parce qu’il n’y en a pas. Les propriétaires de pelouses déterminés qui arrachent les racines des pissenlits alors qu’il en reste environ 300, marmonnent sombrement qu’ils vont arroser les fleurs beurrées de désherbant au lieu de chercher leurs vertus.
Les adeptes de l’esprit libre apprécient le pissenlit comme un individu à part entière. Ils l’acceptent comme une fleur-herbe qui laisse son empreinte sur le cœur et l’esprit aussi bien que sur la pelouse. Même le nom « pissenlit » est poétique. Pissenlit vient du français, « dent de lion », qui signifie dent du lion.
Certaines personnes pensent que les feuilles dentelées du pissenlit ressemblent à des dents de lion, d’où le nom de pissenlit. D’autres pensent que ses fleurs jaunes ressemblent davantage à des dents de lion. Il n’est pas difficile d’imaginer un lion fauve assis au milieu d’un champ de pissenlits, la crinière et les dents tachées de jaune à force de renifler, manger, souffler et se rouler dans les pissenlits.
Les pissenlits ont un arbre généalogique scientifique
L’arbre généalogique du pissenlit est scientifique mais aussi français. Le pissenlit est une plante vivace qui fleurit au printemps et en été dans toute la zone tempérée de la planète Terre. Ses racines peuvent s’enfoncer de quatre à cinq pieds dans le sol, peut-être même jusqu’en Chine ou en Australie !
La fleur du pissenlit est en fait un bouquet d’environ 150-200 fleurs disposées en une tête solide. Chaque fleur est une unité parfaite de production de graines. En parlant de produire, le pissenlit produit dans ses plantes un jus laiteux qui fournit du latex ou du caoutchouc naturel. Un pissenlit russe appelé Kok-Saghyz donne le meilleur rendement en latex de tous les pissenlits.
Les pissenlits se comportent différemment la nuit que le jour. Leur tête se ferme hermétiquement dès que le soleil se couche, ce qui donne une sorte de symbolisme jaune à leur comportement. Les jours sombres, lorsque les insectes pollinisateurs ne volent pas, les têtes des pissenlits restent également fermées. Plus tard dans la saison, lorsque les fleurs sont fécondées, les têtes se penchent vers le sol où elles restent protégées jusqu’à ce que les graines soient mûres. Ensuite, les tiges des fleurs se dressent, les têtes s’ouvrent à nouveau et les parachutes des graines se développent.
Le pissenlit est un voyageur du monde. Ses graines forment des centaines de minuscules parachutes qui s’envolent au gré du vent pour atterrir dans le champ suivant – ou en Afrique. Les graines de pissenlit ont voyagé dans le foin utilisé pour l’emballage. Les graines atteignent des terres étrangères dans des bateaux et, une fois à terre, s’adaptent au climat et au sol qu’elles rencontrent… Les graines de pissenlit peuvent tremper dans l’océan pendant 28 jours, être transportées sur des milliers de kilomètres le long de la côte, et germer quand même.
Les pissenlits embrassent la réalité et prospèrent
Malgré la réalité de la vie d’un pissenlit, il parvient à prospérer. Son goût amer pousse les taupes, les lapins et les larves d’insectes à l’éviter. La rosette de feuilles est également très amère, si amère que les animaux en pâture ne la gobent pas avec leur herbe. Peu importe le nombre de fois qu’un propriétaire de pelouse déterminé déracine le pissenlit, il repousse à moins que sa racine pivotante ne soit arrachée des profondeurs du sol froid et collant du printemps.
Les tiges des fleurs du pissenlit emploient les principes de la construction en tube creux. Les ingénieurs disent que c’est le matériau le plus solide et le plus économique et le pissenlit est la preuve vivante de cette affirmation. Même les vents les plus violents ne parviennent pas à arracher une tige de pissenlit. Son point de rupture survient lorsque de minuscules doigts tachés l’arrachent de sa tige pour faire partie d’un bouquet de table de cuisine en pot de maçonnerie pour maman.
La légende veut que les Indiens Apaches aiment tellement le pissenlit comme nourriture qu’ils chassent dans la campagne pour le trouver et se gavent à ras bord de fleurs de pissenlit. Les pousses de pissenlit sont utilisées comme herbe à pot, ses feuilles comme salade et ses racines séchées comme substitut du café. Au printemps, depuis de nombreuses années, des dames âgées portant des paniers en osier sur leurs bras et des enfants enthousiastes avec des boîtes de conserve cueillent des fleurs de pissenlit pour fabriquer du vin de pissenlit. Quoi de mieux, après une dépense appropriée de sucre, de levure et de temps, qu’un jour d’hiver au froid glacial pour siroter le goût doré du soleil ?
Les pissenlits sont courageux et gais
Les pissenlits sont une valeur sûre dans ce monde incertain. Nous pouvons être certains qu’ils vont pousser et prospérer chaque année, et nous savons avec la même certitude que nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir technologique pour les empêcher de conquérir nos pelouses et nos jardins. Nous savons également avec la même certitude qu’aucune de nos mesures de prévention n’aura d’effet et qu’ils reviendront aussi sûrement que les impôts.
D’un autre côté, il est impossible de ne pas avoir une admiration contrariée pour le courage du pissenlit. Il s’épanouit en effet dans l’adversité et parvient à hocher sa tête joyeusement inconsciente dans la brise printanière, ses racines fermement plantées dans le jardin et la pelouse qui ont été traités avec le destructeur de pissenlits la semaine dernière.
Il est impossible de rester en colère contre le pissenlit. Il est trop libre d’esprit, courageux, aventureux, trop attrayant pour le romantique en nous. Et c’est permanent. Les gens changent, mais pas les pissenlits. Il y a beaucoup de confort, de science et d’espoir dans un pissenlit.
Les mauvaises herbes : Friend or Foe, Sally Roth, Reader’s Digest, 2002
Down-to-Earth Natural Lawn Care, Dick Raymond, Storey Communications, 1993
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