Les pivoines de style asiatique, parmi les pivoines de style non asiatique, sont de belles pièces d’art et ont une longue histoire dans la culture orientale. Elles sont devenues un style de tatouage et un sujet de grand intérêt pour moi, alors nous y voilà : d’où vient ce style de tatouage ? Quelle est son histoire et que signifie-t-il ?
Les pivoines sont l’une des plus anciennes fleurs utilisées dans la culture orientale. Vous pouvez les voir dans une variété de couleurs dans de nombreuses peintures chinoises et japonaises à travers l’histoire, et même être déclarée la fleur nationale de la Chine pendant la dynastie Qing en 1903. Aujourd’hui, la Chine n’a pas de fleur nationale.
Avec la fleur de prunier, une fleur d’hiver, la pivoine est un symbole floral traditionnel en Chine où elle est appelée 牡丹, prononcée mu dan. La pivoine porte également les noms, 富贵花 (fugui hua) et 花王(hua wang), signifiant respectivement fleur de la richesse et de l’honneur, et roi des fleurs. Il est utilisé dans l’art un symbole de richesse pour ceux qui sont riches, un symbole d’espoir pour ceux qui souhaitent être plus riches et de chance pour recevoir cette bonne fortune (parmi quelques autres significations dans lesquelles je vais entrer) ; il est aussi incroyablement beau.
Histoire de l’art stylistique/la période Tokugawa du Japon
Ce style particulier de pivoine est devenu un sujet de tatouage populaire souvent associé au poisson koï dans les tatouages japonais. Il a été inspiré à l’origine par l’artiste Ukiyo-e, Utagawa Kuniyoshi, des illustrations de Suikoden (TLDR : un roman chinois classique sur 108 hors-la-loi du Mont Liang qui ont été bannis mais finalement rappelés pour combattre l’intrusion d’envahisseurs étrangers).
Le style d’art a été popularisé pendant la période Tokugawa du Japon.
Quelques termes à connaître avant d’entrer dans l’histoire la période Tokugawa
Les shoguns étaient les dictateurs militaires du Japon qui sont nommés par l’empereur et étaient généralement les dirigeants de facto du pays. Les fonctionnaires d’un shogun étaient appelés collectivement le bakufu, ce qui se traduit directement par le gouvernement de la tente. Ce sont eux qui effectuaient les tâches réelles de l’administration d’une dynastie, tandis que l’autorité de la cour impériale restait nominale
Le féodalisme était une époque au Japon où de puissantes familles/ riches propriétaires terriens (daimyo), la puissance militaire des seigneurs de guerre (shogun) et leurs guerriers (samouraïs) dirigeaient le Japon, aux côtés de la faible monarchie
Les samouraïs étaient la noblesse militaire héréditaire et la caste des officiers du Japon médiéval et du début des temps modernes, du 12e siècle jusqu’au Japon moderne. Ils étaient les serviteurs rémunérés des daimyo. Ils jouissaient d’un grand prestige et cultivaient des codes guerriers et une éthique des vertus martiales, une loyauté sans faille, l’engagement dans des batailles locales et l’indifférence à la douleur. Leur mémoire et leur armement restent éminents dans la culture japonaise d’aujourd’hui
Période Tokugawa du Japon
Tokyo moderne, Edo, est devenu le siège du shogunat Tokugawa au début du XVIIe siècle et a duré de 1603 à 1867 comme la dernière ère du gouvernement, de la culture et de la société traditionnels japonais avant que la période suivante, la restauration Meiji, ne propulse le pays dans l’ère moderne.
Le shogunat Tokugawa était le gouvernement militaire féodal (monarchie faible avec des terres contrôlées par qui gouvernait le Japon à l’époque qui était caractérisé par une croissance économique rapide, un ordre social strict, des politiques étrangères sécessionnistes (l’acte de réclusion de 1636 qui a coupé le Japon des nations occidentales pour les 200 prochaines années), « plus de guerres » et une croissance de l’équivalent occidental de la « classe moyenne » résultant en un plaisir populaire de l’art et de la culture, d’où le style de vie Ukiyo est né.
La période Edo est née d’un besoin de centraliser le Japon en guerre, qui a été déchiré par des daimyo pendant près de 100 ans dans les années 1500. Tokugawa Ieyasu a été nommé shogun d’Edo, aujourd’hui Tokyo, après sa victoire de la bataille de Sekigahara qui a sa propre longue histoire. La dynastie des Tokugawa allait régner sur le Japon pendant les 250 années suivantes, rétablissant l’ordre social et politique et apportant la paix à une nation qui avait connu 100 ans de guerre. Ils ont lié les daimyos au shogunat et limité tout individu d’acquérir trop de pouvoir.
L’économie et la culture avaient un moment chaud dans la période Edo
Il y avait quatre classes sociales qui étaient reconnues et la mobilité entre elles était officiellement interdite : les guerriers/samouraïs, les artisans, les agriculteurs et les marchands – ils étaient tous prospères.
L’économie a connu une croissance significative avec à la fois la production agricole qui a augmenté et le commerce / les industries manufacturières qui se sont développées à travers le pays. La classe marchande, de plus en plus riche, s’est développée, donnant le coup d’envoi à une culture urbaine dynamique dans tout le pays, centrée sur les marchands, les samouraïs et les citadins (chonin) plutôt que sur la classe supérieure des daimyos et des nobles.
La distribution commerciale était en plein essor, ce qui entraînait une augmentation du niveau de vie, des revenus discrétionnaires et du temps libre pour dépenser cet argent. Les valeurs culturelles étaient redéfinies par la classe des chonin qui étaient d’un rang inférieur à celui de la classe des guerriers. Ils étaient les marchands et les artisans de l’époque et ont joué un rôle clé dans le développement de produits culturels nationaux tels que l’Ukiyo-e (les styles d’impression sur bois mentionnés précédemment), le Rakugo (une forme de divertissement par contes) et l’artisanat. Ils ont joué un rôle considérable dans l’établissement d’idéaux esthétiques qui imprègnent tous les aspects du design japonais et sont maintenus jusqu’à ce jour, tels que l’iki tsu (étalage discret de la richesse) et le wabi-sabi (acceptation et appréciation de la beauté dans l’imperfection/l’incomplétude). En s’associant aux développements culturels de l’époque et en les guidant, les Chonin ont réussi à briser les barrières sociales strictes qui les empêchaient de s’élever dans la hiérarchie. Ils sont finalement devenus ceux qui exerçaient le véritable pouvoir dans la société malgré la classe des guerriers qui maintenait sa domination dans la sphère politique, car la classe noble voulait participer à ces industries en tant que fournisseurs et consommateurs eux-mêmes.
La chute de Tokugawa et ce qui est venu après
Le gouvernement a fortement restreint la classe des chonin en mettant des limitations politiques sur cette population, les voyant comme des membres improductifs et insignifiants de la société malgré leur valeur et leur importance évidentes. Beaucoup de classes supérieures voulaient leurs biens de consommation, leur art et avaient besoin de la classe chonin. Ceci, ainsi que les sécheresses auxquelles 80% de la population était confrontée (classe des agriculteurs/paysans) entraînant des années de famines, a créé des bulles de troubles.
Une série de traités déséquilibrés où les nations plus fortes, ahem les États-Unis, ont imposé des règles au plus petit joueur, le Japon via des techniques d’intimidation comme amener leur flotte navale pour menacer le Japon. Cela a forcé le Japon à ouvrir ses ports aux navires américains, leur garantissant un port sûr et permettant aux États-Unis d’installer un consulat permanent en échange de ne pas bombarder Edo.
En 1867, Choshu et Satsuma (2 forts clans anti-Tokugawa) ont combiné leurs forces pour renverser le shogunat et déclaré la restauration sous le nouvel empereur Meiji qui n’avait que 14 ans à l’époque. Malgré la chute de Tokugawa, la croissance économique et la stabilité ont jeté les bases de la modernisation rapide que l’ère Meiji a apportée en adoptant les pratiques d’industrialisation occidentales et en consolidant le pouvoir sous le nouvel empereur.
Après la mort de l’empereur Meiji en 1912, le pays a connu d’importants changements sociaux, économiques et politiques : le système féodal a été abandonné, le Japon a adopté un système de gouvernement de cabinet, le commerce a été ouvert à l’influence occidentale et une montée en puissance militaire. Cette période est ce qui a propulsé le Japon sur la scène mondiale en tant que puissance mondiale.
Ukiyo-e
Ok, maintenant que nous avons tout le contexte de cette époque, regardons l’art. Ukiyo se traduit par le « monde flottant » et il en est venu à décrire le style de vie hédoniste recherche du plaisir, et des activités sensuellement auto-indulgentes qui n’étaient possibles que grâce à la prospérité économique de l’époque, conduisant à plus de temps libre pour créer et à la capacité d’acheter.
Ukiyo-e se traduit par des images du monde flottant. Cette période artistique a commencé par des gravures sur bois monochromes de femmes, mais au fur et à mesure que le processus s’est développé, il est devenu une production en couleurs avec parfois 10 blocs ou plus pour une impression. Certains artistes se sont spécialisés dans la peinture, mais la principale méthode utilisée à cette époque était la gravure sur bois. Ils produisaient des impressions de sujets tels que les beautés féminines, les lutteurs de sumo, les scènes historiques, la flore/faune, l’érotisme, etc. etc. etc. La Grande Vague au large de Kanagawa était et est sans doute la pièce d’art la plus célèbre du Japon, provient de cette période.
Pivoines d’Utagawa Kuniyoshi
Utagawa Kuniyoshi était l’un des derniers grands maîtres de l’estampe sur bois et de la peinture Ukiyo-e, qui a popularisé ce style de pivoine. La fleur elle-même est devenue associée à une attitude insouciante, imprudente, qui ne tient pas compte des conséquences : « devil-may-care ».
Signification du tatouage pivoine
En fin de compte, les pivoines portent de nombreuses significations différentes selon la perspective que vous voulez utiliser. Les pivoines ont une signification en Serbie, en Asie, en Grèce, et la fleur elle-même, qui a connu une longévité extraordinaire, saison après saison crée aussi une signification. Choisir la couleur de votre pivoine peut également lui apporter plus de signification avec le rouge représentant la chance, le rose représentant l’amour et la romance, le blanc pour symboliser la beauté et la honte, etc.
Mais choisir un tatouage de pivoine de style japonais, comprendre le contexte historique dans lequel il a été créé, et ensuite le mettre sur votre corps, je pense, est assez beau en soi.
