Le rendement maximal durable (ou RMD) est la capture maximale qui peut être extraite d’un poisson ou d’une autre population à long terme. Étant donné que le terme a été inventé avant la Seconde Guerre mondiale, on pourrait dire que les scientifiques de la pêche ont pensé à la durabilité bien avant qu’elle ne devienne à la mode, mais ils n’avaient pas la durabilité en tête. Et comme le terme est ancien, beaucoup de gens, y compris des scientifiques de la pêche, pensent aujourd’hui que le RMD est un concept obsolète, voire trompeur. Mais je ne suis pas d’accord : c’est un outil extrêmement utile, mais comme tous les outils, il peut être mal utilisé.
Une utilisation bien justifiée de cet outil se situe au niveau conceptuel, où il est pratique pour expliquer les éléments de base de la science halieutique aux étudiants : si vous ne l’exploitez pas, une population de poissons aura tendance à être élevée (et les captures sont nulles), que lorsque vous la pêchez modérément, cette population va d’abord décliner, mais ensuite se stabiliser à un certain niveau intermédiaire (et générer une capture élevée), et que lorsque vous pêchez excessivement, la population et les captures vont s’effondrer. Le but est de pêcher modérément, ou juste ce qu’il faut.
En pratique, on s’est rendu compte pour la plupart des pêcheries que la pêche « juste ce qu’il faut » ne peut pas impliquer un RMD fixe et immuable, mais doit utiliser un total admissible des captures (TAC) qui doit être fixé annuellement par les gestionnaires des pêcheries. Le TAC permet une pêche « juste » face aux fluctuations naturelles de l’environnement, qui induisent des fluctuations naturelles de la taille des populations de poissons.
La pêche « juste » peut cependant être mise à mal par le lobbying, lorsque les entreprises de pêche sont autorisées à maintenir leurs opérations et leurs profits en exploitant une espèce dont l’abondance est tellement réduite qu’elle ne devrait pas être pêchée, et devrait plutôt être autorisée à se reconstituer.
Le concept du RMD est également une composante importante du droit de la mer des Nations unies (UNCLOS). L’UNCLOS exige des pays possédant des zones économiques exclusives, ou ZEE, (essentiellement tous les pays maritimes du monde) qu’ils évaluent leurs stocks de poissons par rapport à leur RMD et qu’ils autorisent les pays intéressés possédant des flottes de pêche lointaines à accéder à leur ZEE s’ils ont un « excédent », c’est-à-dire s’ils n’exploitent pas leurs ressources halieutiques au niveau du RMD. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles les pays pauvres, comme ceux de l’Afrique de l’Ouest, riche en poissons, ou du Pacifique, riche en thon, ont du mal à résister lorsque les flottes de pêche lointaine de l’UE, de l’Europe de l’Est ou de l’Asie de l’Est frappent à leur porte. Le fait qu’ils obtiennent une somme dérisoire pour leurs poissons (généralement entre un et cinq pour cent de leur valeur à la première vente) ne les protège pas – en vertu de la CNUDM, ils doivent laisser les autres pays prendre leurs poissons parce qu’ils ne pêchent pas » au RMD. »
Donc, le RMD est là pour rester (au moins pendant un certain temps), et nous devrons nous habituer à sa nature de Janus à la fois comme un concept scientifique rigoureux et utile et comme un instrument de politique de puissance.