Napoléon II : Le fils de Napoléon, le roi de Rome

Napoléon II, stylé roi de Rome, puis duc de Reichstadt, par Thomas Lawrence, 1818-1819

Napoléon a eu au moins deux enfants illégitimes et deux beaux-enfants (Eugène et Hortense, issus de Joséphine), mais un seul enfant légitime : Napoléon François Charles Joseph Bonaparte, également connu sous le nom de Roi de Rome, Napoléon II, Prince de Parme et Duc de Reichstadt. Il n’a pas porté tous ces titres en même temps, et vous pouvez savoir si quelqu’un était un partisan de Napoléon en fonction de la façon dont il se réfère au garçon après 1815. Son surnom était l’Aiglon (l’un des symboles de Napoléon était l’aigle).

Le fils de Napoléon et de sa seconde épouse, Marie Louise, Napoléon II est né au palais des Tuileries le 20 mars 1811 dans toute la splendeur de la Cour impériale. (Voir mon billet sur la naissance périlleuse du roi de Rome). Une salve de cent canons annonce la nouvelle à la ville de Paris. Des applaudissements éclatent à la 22e réplique – 21 coups auraient signifié que le bébé était une fille. L’aérostier Sophie Blanchard s’envole pour larguer des tracts annonçant la naissance.

Le baptême public du bébé à la cathédrale Notre-Dame en juin entraîne la plus somptueuse procession que l’Empire ait jamais produite, apparemment à la grogne de certains Parisiens pauvres. Napoléon prononce le garçon roi de Rome, un titre qui avait appartenu à la Maison de Habsbourg (la famille de Marie-Louise) jusqu’à ce que Napoléon brise le Saint-Empire romain germanique.

Une vie dorée en France

Des cadeaux coûteux sont prodigués au petit roi (dont ce berceau, provenant de la ville de Paris) et il dispose d’une importante suite de domestiques. Napoléon adorait le garçon. Il aimait être avec lui, contrairement à Marie Louise, qui aimait son fils mais semblait avoir peur de le manipuler. Le valet Saint-Denis raconte :

Un jour, l’Empereur prit le petit roi dans ses bras après son déjeuner, selon sa coutume, le caressa, lui joua quelques petits tours, et dit à l’Impératrice, en se tournant vers elle : « Tiens ! Embrassez votre fils ! Je ne me souviens plus maintenant si l’impératrice embrassa le prince, mais elle répondit sur un ton presque de répugnance et de dégoût :  » Je ne vois pas comment on peut embrasser un enfant. Le père était très différent ; il ne cessait d’embrasser et de caresser son fils bien-aimé. (1)

Le baron de Méneval écrivait:

Que l’Empereur soit assis dans son fauteuil d’amour favori…lisant un rapport important, ou qu’il se rende à son bureau…pour signer une dépêche dont chaque mot devait être soigneusement pesé, son fils, assis sur ses genoux ou pressé contre son souffle, ne quittait jamais ses bras….. Parfois, écartant les grandes pensées qui occupaient son esprit, il s’allongeait sur le sol à côté de son fils chéri, jouant avec lui comme avec un autre enfant. (2)

L’idée de jeu de Napoléon n’était pas forcément amusante pour Napoléon junior. Comme l’a rapporté le comte de Las Cases :

prenait parfois son fils dans ses bras, et l’embrassait avec les plus ardentes démonstrations d’amour paternel. Mais le plus souvent, son affection se manifestait par des jeux de taquinerie ou de fantaisie. S’il rencontrait son fils dans les jardins, par exemple, il le jetait à terre ou bouleversait ses jouets. L’enfant lui était amené chaque matin à l’heure du petit déjeuner, et il manquait alors rarement de l’enduire de tout ce qui était à sa portée sur la table. (3)

Un biographe de Napoléon II ajoute:

plaçait sa Majesté le roi de Rome devant un miroir et lui faisait des grimaces. Si le petit bonhomme – effrayé par la vue – pleurait, Napoléon faisait semblant de le gronder : « Comment, monsieur, vous pleurez ! ». Quoi, un roi, et vous pleurez ! Fie, fie, c’est choquant ! Une fois, il a enfoncé son chapeau sur la tête de l’enfant, de sorte qu’il lui est tombé sur le nez, et il a également bouclé son épée autour de lui. Il riait de bon cœur lorsque les petits pieds se mettaient en difficulté avec la longue épée et que le bébé titubait comiquement d’un côté à l’autre. (4)

Les jouets préférés de l’enfant étaient des drapeaux, des trompettes, des tambours et un grand cheval de jouet avec une selle de velours rouge. La sœur de Napoléon, Caroline, envoya au garçon une petite calèche tirée par deux agneaux, qu’il conduisait le long des promenades des Tuileries. Napoléon lui fait revêtir un costume mamelouk et un uniforme de la Garde nationale. Napoléon prévoit de construire un palais élaboré pour le roi de Rome, en face de l’endroit où se dresse aujourd’hui la tour Eiffel.

Ce monde doré s’écroule en 1814. La dernière fois que le petit Napoléon a vu son père, c’était le 24 janvier de cette année-là. Il n’avait pas encore trois ans. Lorsque Napoléon abdique le 4 avril, il nomme son fils nouvel empereur des Français. En théorie, l’enfant a obtenu le titre de Napoléon II. Cependant, les partenaires de la coalition qui ont vaincu Napoléon refusent de permettre à Junior de devenir le successeur de son père. Le 6 avril, Napoléon est contraint d’abdiquer sans condition, renonçant à ses droits au trône de France et à ceux de ses descendants.

D’un Français à un Allemand

Après l’exil de Napoléon à l’île d’Elbe, Marie Louise et son fils se rendent à la cour de son père en Autriche. Lorsque Napoléon s’échappe de l’île d’Elbe et rentre en France en 1815, ils ne le rejoignent pas. Après avoir perdu la bataille de Waterloo, Napoléon abdique à nouveau en faveur de Napoléon II. Le garçon est théoriquement empereur des Français du 22 juin au 7 juillet, jusqu’à ce que les Alliés entrent dans Paris et rétablissent Louis XVIII sur le trône.

Le Congrès de Vienne fait de Marie Louise la duchesse de Parme. Son fils prit le titre de prince de Parme, bien que le traité de Paris (1817) ait fait en sorte qu’il ne puisse jamais lui succéder. Il ne l’accompagne pas à Parme pour y vivre. Il n’est même pas autorisé à lui rendre visite, de peur que son apparition ne ravive l’espoir des partisans de la dynastie déchue de Napoléon. Pendant ce temps (à l’insu de son fils), Marie Louise fonde une famille avec son amant autrichien, le comte von Neipperg, et se rend rarement à Vienne. Napoléon II n’a vu Marie Louise que quatre fois entre son départ pour Parme et juin 1826.

Au lieu de cela, il a été élevé sous l’œil vigilant de son grand-père, François Ier d’Autriche. François décida que le garçon devait s’appeler Franz, comme lui-même, et eut pour objectif d’en faire un Allemand. Les soignants français qui étaient venus de Paris avec l’enfant (dont la mère du valet de Napoléon, Louis Marchand) furent progressivement écartés. On estimait qu’elles exerçaient une trop forte influence française sur lui. En partant, le baron de Méneval demande au garçon s’il a des messages pour son père. L’enfant de quatre ans répondit : « Tu lui diras que je l’aime toujours beaucoup ». (5)

Francis devait faire face aux menaces très réelles d’enlèvement ou d’assassinat du garçon. On a rapporté que Napoléon avait offert une somme considérable à quiconque lui amènerait son fils. Les Autrichiens craignent que les préposés français de l’enfant ne le déguisent en fille (il a de belles boucles blondes) et ne l’enlèvent. Pendant ce temps, les ultra-royalistes français proclament qu’une corde doit être préparée pour l’enfant. Ils offraient une récompense importante à quiconque l’assassinerait.

Francis travaillait dur pour essayer d’empêcher Franz de devenir le centre des espoirs bonapartistes. Cela était attendu de lui par les autres cours d’Europe, mais reflétait également le dégoût personnel de François pour Napoléon. Franz n’a pas été élevé dans la haine de son père, mais on lui a appris à le considérer comme un soldat de fortune qui avait ravagé l’Europe et apporté la ruine à son pays. Franz était naturellement curieux de connaître Napoléon, mais il n’a reçu beaucoup de détails sur la carrière de son père qu’après la mort de Napoléon en 1821. Pourtant, même à un jeune âge, Franz a réussi à glaner pas mal d’informations. On raconte qu’un jour, un commandant militaire autrichien en visite a nommé trois personnes illustres comme étant les plus grands chefs militaires de l’époque. Le jeune Franz écouta attentivement, puis interrompit avec vigueur : « J’en connais un quatrième que vous n’avez pas mentionné. » « Qui est-ce ? » demanda le général. « Mon père », s’écria Franz, avant de s’enfuir en courant. (6)

Le précepteur chargé d’annoncer à Franz la mort de Napoléon écrit :

J’ai choisi l’heure tranquille du soir, et j’ai vu pleurer plus de larmes que je n’aurais dû m’y attendre de la part d’un enfant qui n’avait jamais vu ni connu son père. (7)

Comme cela apparaît clairement dans Napoléon en Amérique, Napoléon a souvent pensé à son fils pendant son exil. Il regrette que ni Marie Louise ni François n’aient envoyé de nouvelles de lui. Avant de quitter le service du garçon, la mère de Marchand envoya une mèche de cheveux de l’enfant à Marchand à Sainte-Hélène. Napoléon demanda à Marchand de la placer dans sa trousse de voyage. Plus tard, lorsqu’il reçut un buste du garçon par un sculpteur de Livourne, Napoléon dit:

Pour moi, ce buste vaut plus que des millions. Mettez-le sur la table du salon, afin que je puisse le voir tous les jours. (8)

Bien que solitaire, Franz n’était nullement démuni. Il était très aimé par la famille impériale autrichienne, notamment par François et sa quatrième épouse, Caroline Augusta, qui le traitaient comme un fils. Aux repas, Franz s’asseyait à côté de l’empereur. Il lui rendait souvent visite dans son bureau. En 1818, François a donné à Franz le titre de duc de Reichstadt. Il veille à ce que le garçon reçoive une éducation de premier ordre, sous la supervision de son gouverneur, Maurice Dietrichstein. Bien qu’il ne soit pas le plus assidu des élèves, Franz est intelligent, curieux et vif, et de l’avis général, charmant quand il le veut bien. Dietrichstein a écrit : « Rien n’est plus séduisant que son visage et son discours quand il veut être agréable. » (9)

Franz devient très proche de la princesse Sophie de Bavière, l’épouse de son oncle François-Charles. Leur fils aîné, François-Joseph, devint empereur d’Autriche, et leur second fils, Maximilien, devint empereur du Mexique. L’assassinat de leur petit-fils, François-Ferdinand, a entraîné la Première Guerre mondiale. François et Sophie passaient des heures l’un avec l’autre. Selon certaines rumeurs, ils auraient eu une liaison, bien que cela soit peu probable.

François s’intéresse à la vie de soldat dès son plus jeune âge. Une fois assez âgé, il a commencé une carrière militaire, comme le détaille Tom Vance (auteur du fascinant ouvrage de non-fiction, Napoleon in America : Essais de biographie et de culture populaire) dans « L’aiglon en uniforme : le service militaire de Napoléon II » sur le site de la série Napoléon.

Une mort précoce

Cette carrière, malheureusement, a été écourtée lorsque Franz a contracté une maladie qui s’est avérée être la tuberculose. Dans ses derniers jours, il aurait dit :

Dois-je terminer si jeune une vie inutile et sans nom ? Ma naissance et ma mort – voilà toute mon histoire. (10)

Napoléon II meurt au château de Schönbrunn le 22 juillet 1832, à l’âge de 21 ans. Marie Louise était avec lui. François ne l’était pas. Voir mon billet sur la mort du fils de Napoléon. Poussés par le désir de se procurer des souvenirs de leur cher duc de Reichstadt, les Viennois se sont pressés dans sa chambre et ont emporté tout ce qui leur tombait sous la main, y compris ses cheveux.

Le 15 décembre 1940, les restes de Napoléon II ont été transférés de Vienne aux Invalides à Paris, comme cadeau d’Adolf Hitler à la France. Ils reposent un temps à côté de ceux de Napoléon, puis sont déplacés dans l’église basse. Le cœur et les intestins de Napoléon II sont restés à Vienne. Ils résident respectivement dans des urnes à la crypte du cœur des Habsbourg (palais de la Hofburg) et à la crypte ducale (cathédrale Saint-Étienne).

Pour des informations sur les beaux-enfants de Napoléon, voir mon billet sur Eugène et Hortense de Beauharnais. Si vous vous intéressez à ses enfants illégitimes, consultez mon billet sur Léon Denuelle et Alexandre Walewski.

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Descendants vivants de Napoléon et des Bonaparte

  1. Louis Étienne Saint-Denis, Napoléon des Tuileries à Sainte-Hélène ; souvenirs personnels du second mamelouk et valet de chambre de l’Empereur, Louis Étienne St. Denis (dit Ali), traduit par Frank Hunter Potter (New York et Londres, 1922), p. 6.
  2. Claude François de Méneval, Napoléon et Marie-Louise, tome 1 (Paris, 1844), p. 446-47.
  3. Emmanuel Auguste Dieudonné de Las Cases, Mémoires de la vie, de l’exil et des conversations de l’empereur Napoléon, tome 3 (New York, 1855), p. 316-17.
  4. Edward de Wertheimer, The Duke of Reichstadt (Londres, 1906), p. 47.
  5. Claude François de Méneval, Napoléon et Marie-Louise, tome 3 (Paris, 1845), p. 205.
  6. Guillaume-Isidore de Montbel, Le Duc de Reichstadt (Paris, 1836), p. 122.
  7. Wertheimer, Ibid, p. 286.
  8. Louis-Joseph Marchand (Proctor Jones, ed.), In Napoleon’s Shadow : Being the First English Language Edition of the Complete Memoirs of Louis-Joseph Marchand, Valet and Friend of the Emperor, 1811-1821 (San Francisco, 1998), p. 495.
  9. Dorothy Julia Baynes , In Search of Two Characters : Quelques aspects intimes de Napoléon et de son fils (Londres, 1945), p. 323.
  10. Octave Aubry, Napoléon II : le roi de Rome, traduit par Elisabeth Abbott (Londres, 1933), p. 256.

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