Le nouveau gouvernement de l’Irak : Ce qu’il faut savoir

Après des mois de protestations et une série de tentatives ratées pour former un gouvernement, l’Irak a un nouveau premier ministre : Mustafa al-Kadhimi. Les partisans de Kadhimi espèrent qu’il pourra unir les nombreuses factions de l’Irak, mais il doit faire face à de nombreux défis, notamment naviguer dans les relations épineuses avec les États-Unis et l’Iran, faire face à la corruption et à la violence continue des milices, et gérer la pandémie de coronavirus en cours.

Comment Kadhimi est-il arrivé au pouvoir ?

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Un mouvement de protestation antigouvernemental massif a pris son envol en octobre 2019, condamnant un gouvernement autoritaire, la corruption, les mauvais services publics et les politiques perçues comme sectaires du précédent premier ministre, Adel Abdul-Mahdi. L’agitation a régné après la démission de Madhi fin 2019, les deux premiers remplaçants nommés par le président Barham Salih ayant tous deux échoué à former un gouvernement de coalition. Salih a alors nommé Kadhimi, qui a pris ses fonctions en mai 2020.

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Kadhimi a suscité un élan d’optimisme en parvenant à former un gouvernement de coalition qui a rassemblé des groupes de tout l’éventail politique : partis kurdes, sunnites et chiites, y compris le grand bloc dirigé par le clerc populaire Muqtada al-Sadr.

Le Premier ministre irakien Mustafa al-Kadhimi parle lors d’une réunion avec un gouverneur de Diyala. Thaier al-Sudani/Reuters
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Qui est-il ?

Né en 1967, Kadhimi a passé des décennies à travailler comme journaliste et activiste pour documenter les violations des droits de l’homme sous le régime de Saddam Hussein. À partir de 2016, il a dirigé le service de renseignement du pays pendant la bataille du gouvernement contre l’État islamique autoproclamé. À ce titre, il a noué des relations avec bon nombre des puissances étrangères qui se disputent depuis longtemps l’influence sur Bagdad, notamment les États-Unis, l’Iran et l’Arabie saoudite.

Son gouvernement a gagné le soutien du parlement, ainsi qu’une approbation publique relativement élevée, sur la base de sa réputation de pragmatique capable d’équilibrer les forces concurrentes à l’intérieur et à l’étranger. Cependant, Kadhimi – contrairement à nombre de ses prédécesseurs – n’appartient pas à un parti politique et ne contrôle pas sa propre milice, ce qui, selon les observateurs, le rend vulnérable. « Il veut rassembler tous les Irakiens, mais il n’a pas de base politique propre », déclare Robert Ford, ambassadeur adjoint des États-Unis en Irak de 2008 à 2010. « Il sera toujours dépendant de ces autres partis politiques. »

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Quels sont les principaux défis auxquels il est confronté ?

Plusieurs problèmes critiques sur le front intérieur pourraient miner le gouvernement de Kadhimi.

Corruption rampante. Kadhimi a promis aux manifestants qu’il allait démanteler le très impopulaire muhasasa , le système de quotas ethnoreligieux qui définit la politique irakienne. Selon cet arrangement informel, le président est issu de la minorité kurde, le président du parlement de la minorité arabe sunnite et le premier ministre de la majorité chiite. Les postes ministériels influents sont répartis entre les groupes religieux du pays. Les experts affirment que ce système contribue à la corruption bien ancrée en Irak, qui se classe parmi les pays les plus corrompus au monde. Mais après que le bloc Fatah, soutenu par l’Iran, a menacé d’opposer son veto à sa candidature, M. Kadhimi a surtout fait marche arrière sur cette réforme. En conséquence, la corruption continue de siphonner les fonds publics et de retarder les projets d’infrastructure, limitant l’accès généralisé aux services essentiels tels que l’électricité et l’eau potable.

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Pandémie de COVID-19. Malgré les mesures de confinement, l’Irak a subi un pic de cas de la nouvelle maladie à coronavirus, COVID-19, à la fin du mois de juin, augmentant le stress sur son système de santé précaire et exacerbant le chômage des jeunes, qui a dépassé les 25 % en 2019. La pandémie a également provoqué une forte baisse du prix du pétrole, qui représente plus de 90 % des recettes publiques de l’Irak. Cela mine davantage la légitimité du gouvernement naissant, car les milices sont intervenues pour fournir des services médicaux et humanitaires.

Des milices puissantes. Même si la menace de l’État islamique s’est éloignée, l’Irak abrite toujours un ensemble de milices armées de différentes allégeances, notamment les Forces de mobilisation populaire soutenues par l’Iran, les Peshmerga kurdes et divers groupes tribaux. M. Kadhimi a pris des mesures pour les contenir, notamment un raid en juin contre la milice chiite Kata’ib Hezbollah, que le gouvernement accuse de plusieurs attaques à la roquette contre les forces américaines. Mais l’assassinat du conseiller de Kadhimi, Hisham al-Hashimi, en juillet, également attribué à Kata’ib Hezbollah, suggère que les milices n’ont pas peur de riposter aux affirmations de l’autorité du gouvernement.

Des membres des Forces de mobilisation populaire paramilitaires participent à leur cérémonie de remise de diplômes dans un camp militaire à Kerbala. Abdullah Dhiaa Al-deen/Reuters
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Comment les tensions entre les États-Unis et l’Iran pourraient-elles avoir un impact sur le mandat de Kadhimi ?

L’escalade des tensions entre les États-Unis et l’Iran sous le président Donald J. Trump a suscité des inquiétudes à Bagdad quant au fait que le conflit pourrait déborder en Irak. Tant l’assassinat en janvier 2020 du plus haut commandant militaire iranien, Qassem Soleimani, que les attaques de représailles de l’Iran contre une base militaire américaine ont eu lieu sur le sol irakien.

Kadhimi est sous la pression des deux parties. Les États-Unis, qui maintiennent plusieurs milliers de soldats en Irak pour soutenir et former l’armée du pays, y poursuivent actuellement deux intérêts principaux : contenir les vestiges de l’État islamique et réduire l’influence de l’Iran. Trump a fait pression sur Bagdad pour qu’il diminue ses liens économiques avec l’Iran, notamment en réduisant ses importations de gaz naturel. Or, l’Irak dépend de cette énergie pour son électricité. Dans le même temps, Téhéran a fait pression sur Kadhimi pour qu’il ne renforce pas les liens économiques avec les rivaux de l’Iran parmi les États du Golfe. L’influence iranienne traverse l’Irak majoritairement chiite, principalement par le biais du soutien de Téhéran aux partis politiques et aux milices. Il reste à voir si Kadhimi peut trouver un équilibre entre les demandes concurrentes des deux puissances.

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