Je ne vous en voudrais pas de penser quelque chose du genre » comme tout le monde « , mais je suis là pour vous dire le contraire.
Etre vétérinaire ressemble beaucoup à être médecin humain. Outre le fait que les deux professions pratiquent la médecine, bien que sur des sujets différents, elles nécessitent toutes deux d’excellentes notes et de nombreuses années d’études. Elles nécessitent généralement de s’endetter, de travailler de longues heures, d’avoir une empathie extrême et d’être de garde pendant des jours.
Vu leurs similitudes, on pourrait s’attendre à ce qu’ils aient des taux de mortalité et des causes de décès similaires, mais ce n’est pas le cas. Les vétérinaires présentent un risque extrêmement élevé de suicide.
Les études révèlent que les vétérinaires sont entre 4 et 8 fois plus susceptibles de se suicider que la population générale. Une étude portant sur 1 551 vétérinaires américains de 1966 à 1977 a révélé une augmentation de plus de 100 % des suicides, et une enquête de l’Association canadienne des médecins vétérinaires de 2012 a révélé que 19 % des répondants avaient sérieusement envisagé le suicide, et que 9 % avaient fait des tentatives. Ces risques semblent exister pour les vétérinaires du monde entier.
Mais pourquoi cependant ? Ces taux élevés ne semblent pas se refléter chez leurs homologues qui traitent les humains (bien que certaines études trouvent que les taux de suicide chez les médecins sont élevés, mais dans une moindre mesure), et semblent s’opposer directement à la corrélation entre les taux de mortalité réduits et les diplômes d’études supérieures.
Les études ont identifié quelques facteurs de risque en particulier. Le stress général, similaire à celui ressenti par un médecin humain, est causé par de longues heures de travail, des enjeux élevés, un faible niveau de soutien et une lourde charge de travail. Comme les médecins, les vétérinaires ont une connaissance approfondie des médicaments qui pourraient mettre fin à leur vie et y ont accès. En effet, la grande majorité des vétérinaires semblent mettre fin à leur vie par empoisonnement.
Alors que les médecins peuvent travailler dans des hôpitaux ou des bureaux avec de nombreux collègues, les vétérinaires travaillent souvent dans de petites cliniques, voire seuls. Ils ne peuvent pas souvent adresser leurs patients à des experts, consulter leurs collègues ou même demander de l’aide. L’isolement qui en résulte a été impliqué comme un facteur de risque majeur de suicide chez les vétérinaires.
La plupart des vétérinaires aiment les animaux. S’ils étaient là pour l’argent, ils auraient plutôt fait des études de médecine (les médecins humains gagnent en moyenne deux fois plus que les vétérinaires, et les écoles vétérinaires sont généralement plus difficiles à accepter que les écoles de médecine). Mais s’occuper de ses patients peut rapidement provoquer une fatigue de compassion, surtout lorsqu’il faut faire face à des problèmes financiers ou à des propriétaires peu coopératifs.
Les vétérinaires sont la réponse de première ligne pour les cas de maltraitance animale, et sont responsables de signaler lorsqu’ils pensent qu’un animal est maltraité. Mais ces rapports ne sont pas toujours pris au sérieux par les forces de l’ordre.
Les animaux ne peuvent pas défendre eux-mêmes leur cause, et les relations entre les propriétaires et les animaux de compagnie varient beaucoup plus que celles entre les patients humains et leurs proches. Un propriétaire peut ne reculer devant rien pour que son lapin reçoive le traitement dont il a besoin, mais une attitude du type « c’est juste un animal » est assez courante.
Dans des pays comme le Canada, où les soins de santé sont socialisés, les individus ont rarement à prendre des décisions sur la santé de leur proche en tenant compte des coûts. Mais en médecine vétérinaire, les coûts jouent souvent un rôle dans le choix des traitements. Les propriétaires peuvent ne pas accorder le même respect et la même confiance aux médecins pour animaux qu’aux médecins humains.
Les vétérinaires ont certes le droit de refuser des traitements, mais ils ont aussi l’obligation de prévenir la souffrance des animaux. Si un propriétaire est déterminé à suivre un traitement, il ira souvent voir ailleurs si on le lui refuse, ce qui rend assez futile la possibilité pour un vétérinaire de dire non.
Cela peut conduire à ce qu’un animal subisse un stress excessif alors qu’il subit des chirurgies susceptibles d’échouer, ou cela peut signifier que des animaux parfaitement sains sont euthanasiés. Les propriétaires peuvent refuser d’injecter de l’insuline à leur chat diabétique en raison de leur propre peur des aiguilles, indépendamment de la santé déclinante du chat, ou être contraints de laisser leurs rats être euthanasiés plutôt que de payer des médicaments coûteux. En tant qu’amoureux des animaux, ces moments peuvent être déchirants pour un vétérinaire.
Euthanasier des animaux peut être une routine pour les vétérinaires, mais cela ne signifie pas que cela ne les affecte pas. Des études ont révélé que plus de 90 % des vétérinaires approuvent l’euthanasie pour les humains. Les vétérinaires ont une relation unique avec la mort, en raison de leur proximité avec elle, et beaucoup ont cité cela comme une raison pour laquelle ils envisagent le suicide.
Nous, en tant que société, avons bien fait de reconnaître à quel point il peut être difficile d’être un médecin humain (peut-être en raison de l’afflux de représentations télévisées dramatiques de ces difficultés). Il est maintenant temps de faire de même pour les vétérinaires.
Deux études distinctes ont révélé que seulement environ 50 % des vétérinaires entreraient dans la profession s’ils pouvaient choisir à nouveau leur carrière. Il n’y a pas que des câlins de chiots et des plâtres de chatons. Nous ne pouvons pas ignorer cela, et nous ne pouvons pas prétendre que tout va bien.
Le travail vétérinaire est une entreprise extrêmement difficile. Le moins que l’on puisse faire est de reconnaître cette difficulté.